La bataille de  Camerone

Camerone : la promesse tenue

Le soleil s’est levé sur le Veracruz, comme chaque jour, lourd, impitoyable. À l’aube du 30 avril 1863, soixante-deux hommes marchent depuis la nuit. Ils avancent en silence, l’uniforme déjà trempé, les visages fermés, les armes au poing. Ils ignorent encore qu’ils n’en reviendront pas. Mais ils savent qu’ils ont une mission.

Au milieu d’une guerre qui n’est pas la leur, dans un pays qui ne les a pas vus naître, ils marchent pour tenir parole.

Le rêve d’un empire, la réalité d’un piège

Tout commence deux ans plus tôt, avec une dette impayée et des ambitions trop grandes. Le Mexique cesse de rembourser ses créanciers : l’Espagne, le Royaume-Uni… et la France. Les trois nations envoient des troupes. Mais très vite, l’Espagne et l’Angleterre repartent, laissant Napoléon III seul avec ses rêves.

Ce qu’il veut, c’est un empire allié en Amérique latine. Un Mexique catholique, fidèle à Paris, avec un empereur sur mesure : Maximilien d’Autriche. Pour cela, il faut prendre Puebla. Et pour atteindre Puebla, il faut sécuriser les routes. C’est dans ce labyrinthe de poussière et de feu qu’entre la Légion étrangère.

Une poignée d’hommes, une ligne à défendre

Le 29 avril, on apprend qu’un convoi vital approche : trois millions en or, du matériel de siège, des munitions. De quoi soutenir le siège de Puebla. Mais la route est infestée de guérilleros. Le colonel Jeanningros confie donc la protection du convoi à un détachement léger.

Le capitaine Danjou accepte sans hésiter. Avec lui, deux jeunes officiers, Maudet et Vilain, se portent volontaires. Ils seront 62. Soixante-deux pour contenir l’ennemi. Pour tenir assez longtemps.

Ils partent dans la nuit, traversent vingt kilomètres sous une chaleur montante. À sept heures, ils s’arrêtent à Palo Verde pour boire un café. Un dernier geste d’humanité, simple, fragile. L’instant d’après, la terre tremble. Deux mille hommes sont là.

Camerone : l’hacienda assiégée

Danjou garde son calme. Il forme ses hommes en carré, repousse les premières charges. Puis, il choisit de se retrancher dans l’hacienda de Camerone, une bâtisse isolée, aux murs de pierre épais, perdue dans la végétation mexicaine.

À dix heures, les Mexicains leur proposent de se rendre. Danjou refuse. Il rassemble ses hommes, leur fait prêter serment : ils tiendront jusqu’à la mort. Il ne s’agit plus seulement d’une mission. Il s’agit de ne pas plier.

Les heures défilent, brûlantes, insoutenables. À midi, Danjou est tué d’une balle en pleine poitrine. Vilain prend le commandement. À quatorze heures, il s’effondre à son tour. Maudet continue. Le bâtiment brûle, les murs s'effritent, les munitions s'épuisent. Mais personne ne recule.

À dix-sept heures, il ne reste que douze hommes. Nouvelle sommation. Nouveau refus. L’ultime charge approche. Ils sont cinq encore debout, chacun avec une cartouche, une baïonnette, une décision. À un signal, ils tirent à bout portant. Puis ils chargent. Deux tombent. Trois restent debout. Le feu s’arrête, par respect.

L’esprit de la Légion

Ils étaient soixante-deux. Ils ont tenu onze heures contre deux mille. Et le convoi est passé.

Ce jour-là, la Légion a perdu un combat. Mais elle a forgé un mythe. Napoléon III fait graver « Camerone » sur son drapeau. Les noms de Danjou, Vilain, Maudet rejoignent les murs des Invalides. En 1892, une stèle s’élève sur les lieux mêmes du combat. On peut y lire :

« Ils furent ici moins de soixante opposés à toute une armée. Sa masse les écrasa. La vie plutôt que le courage abandonna ces soldats français. »

La main de bois de Danjou, portée ce jour-là, est toujours conservée à Aubagne. Chaque 30 avril, elle est exposée. Pas comme une relique, mais comme un rappel.

Ce que signifie "tenir"

Camerone, ce n’est pas seulement une page d’histoire militaire. C’est une promesse tenue dans la poussière et le sang. Une leçon de fidélité absolue. Ils auraient pu fuir. Ils auraient pu se rendre. Ils ont choisi de tenir. Non par orgueil. Mais parce qu’on leur avait confié une mission. Et que cela suffisait.

Depuis 1906, la Légion célèbre chaque 30 avril ce sacrifice déraisonnable. Et dans cette commémoration, ce n’est pas seulement le passé qu’on honore. C’est un idéal. Celui d’aller jusqu’au bout, même seul, même contre tous. Sans bruit, sans panache inutile. Juste parce que l’on a dit oui.


Diocèse aux armées françaises. Camerone. Disponible sur : dioceseauxarmees.fr

Histoire pour tous de France et du Monde. Bataille de Camerone (30 avril 1863). Disponible sur : histoire-pour-tous.fr

Ministère des Armées. Célébration du 159e anniversaire de la bataille de Camerone. Disponible sur : defense.gouv.fr

Ministère des Armées. Chemins de Mémoires, Camerone - 30 avril 1863. Disponible sur : cheminsdememoire.gouv.fr

Ministère des Armées. Chemins de Mémoires, Commémorer Camerone ou Puiser à la source de l’esprit guerrier. Disponible sur : cheminsdememoire.gouv.fr

Virtuti Militari. Le combat du 30 avril 1863, à Camaron. Disponible sur : camerone.org